Le Droit de prêt

“Avant toute chose, le droit de prêt public défend le principe ‘Pas d’utilisation sans rémunération’.  C’est le fondement même du concept de “rémunération équitable” qui s’étend également à la photocopie et aux utilisations numériques.  Le DPP est fondé sur la Déclaration universelle des droits de l’homme en vertu de laquelle chacun a droit à une rémunération pour l’exploitation de son travail.  À ceux qui prétendent que ce droit empiète sur un autre droit universel, l’accès à la connaissance et à la culture, nous répondons que le DPP soutient la création”
Maureen Duffy
poétesse, dramaturge, romancière et autrice de non-fiction anglaise
militante pour les droits des auteurs

Les dispositions relatives au droit de prêt en bibliothèque résultent de la loi du 18 juin 2003, dont les principaux objectifs étaient les suivants :

  • permettre aux auteurs et aux éditeurs d’être légitimement rémunérés au titre du prêt de leurs livres en bibliothèque ;
  • instituer et soutenir un régime de retraite complémentaire pour les auteurs de livres (écrivains, traducteurs, illustrateurs…) ;
  • consolider l’action des bibliothèques en faveur de la lecture publique, en dispensant leurs usagers du paiement d’un droit de prêt ;
  • soutenir la chaîne du livre, en favorisant l’accès des librairies aux marchés publics.

La Société française des intérêts des auteurs de l’écrit (SOFIA) a été créée pour récolter les rémunérations de la copie privée numérique et le droit de prêt. Ce dernier, depuis 2003, permet de compenser la perte de revenus des auteurs et des éditeurs générée par le prêt d’ouvrages en bibliothèque. Rappelons qu’en France, l’article L1225 al.8 du CPI définit que tout ouvrage peut être prêté en bibliothèque sans avoir à demander l’accord de l’auteur ni de l’éditeur.

Le droit de prêt, reversé par les librairies, se monte à 6% du prix HT du livre.

Les libraires ne doivent reverser à la SOFIA la rémunération au titre du droit de prêt que pour les ventes de livres aux bibliothèques de prêt. Pour les autres bibliothèques, le rabais maximum reste de 9 % du prix public mais le libraire ne reverse pas 6 % de ce prix. Par ailleurs, le droit de prêt ne concerne que les livres prêtés au public, et pas les achats réalisés par la bibliothèque pour son usage propre.

16 millions d’euros sont reversés chaque année à 65 000 auteurs et 2 600 éditeurs au titre du droit de prêt.
Ce montant vient de deux sources :
– 5 à 6 millions viennent de la perception du droit de prêt auprès des libraires, ce qui représente 6 millions de livres vendus pour 400 000 titres différents.
– 10 à 11 millions de la perception auprès de l’État d’1,50€ par usager inscrit dans une bibliothèque municipale et d’1€ par usager inscrit dans une bibliothèque universitaire.

20 millions d’euros sont perçus au titre de la Copie privée numérique, dont 20% sont utilisés en soutien à l’Action culturelle en France, ce qui fait de la SOFIA l’un des principaux financeurs des festivals et rencontres en France.

Plus d’infos sur le site de la SOFIA

Télécharger le guide de déclarations pour les Fournisseurs de livres

LE DROIT DE PRÊT, POURQUOI ?

Un peu d’histoire :

Avant 1981, les marchés publics sont quasi inexistants. Il n’y a pas de mise en concurrence des acteurs, les collectivités achètent leurs livres neufs auprès de deux fournisseurs qui se partagent le marché. Les libraires ne sont absolument pas concernés.

1981, loi sur le prix unique du livre : les pouvoirs publics incitent fortement les collectivités à acheter leurs livres auprès des libraires. La commande publique augmente énormément, les marchés publics se formalisent, ces ventes reviennent aux libraires. À ce moment-là, la remise est libre et les collectivités se fournissent auprès du moins-disant. Les grands opérateurs et les grandes librairies proposent des niveaux de remise moyens de 20%.

1992 : La Directive européenne relative au droit de prêt (Directive 2006/115/CE), adoptée pour la première fois en 1992 et refondue en 2006, octroie aux auteurs et autres titulaires de droits le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire le prêt de leurs ouvrages par les bibliothèques. Les États membres peuvent déroger au droit exclusif à condition que les titulaires de droits obtiennent une rémunération au titre du prêt de leurs ouvrages.

2003 : Retranscription en droit français de la Directive 2006/115/CE, avec comme objectif d’améliorer la situation financière des auteurs. L’État ajoute la création d’un système de retraite complémentaire pour les auteurs.

L’État cherche à avoir un dispositif de collecte le moins impactant et le moins coûteux possible pour ses services et les collectivités. Les libraires, via le SLF, estiment qu’un plafonnement des remises aux collectivités permettrait à davantage de librairies, et à des libraires plus modestes, d’avoir accès aux marchés publics. Cependant, ce plafonnement des remises entraîne une baisse de pouvoir d’achat pour les collectivités qui n’est pas facile à faire accepter. Les libraires prennent l’opportunité de l’application du droit de prêt pour faire évoluer la situation : en échange de la collecte et du reversement du droit de prêt (comme un prélèvement à la source), ils obtiennent un plafonnement de la remise aux collectivités à 9%. En reversant 6% du montant des commandes, ils sont encore gagnants par rapport aux niveaux de remises aux collectivités existants.

La SOFIA est créée pour collecter le droit de prêt auprès des libraires et les déclarations d’achat des collectivités, ainsi que pour gérer les reversements aux ayants-droits.

Libraires et pouvoirs publics apprennent alors à mieux travailler en ensemble (concertations, rapports, formations …) :

2010 : rapport “L’accès des librairies aux marchés d’achats de livres des bibliothèques, état des lieux après une décennie de modifications du cadre législatif et réglementaire”.
2011 création d’un Vade-mecum de l’achat public de livres à l’usage des bibliothèques, remis à jour en 2023.

2016 relèvement du seuil d’appel d’offres permettant aux bibliothèques achetant pour moins de 90000€ de livres par an de sortir du cadre des marchés publics pour accorder leurs commandes de gré à gré, dans le but de favoriser les plus petites librairies et le tissu économique local.

Vingt ans après la loi de 2003, on considère que les libraires de façon générale ont davantage accès aux marchés publics qu’avant mais qu’ils aimeraient faire une remise moindre que les 9% (la remise appliquée pourrait en principe être moindre, car il s’agit d’un plafond de remise maximal, mais il semble que beaucoup de libraires l’appliquent automatiquement, d’eux-mêmes ou à la demande des bibliothèques) et ne plus avoir à reverser les 6% de droit de prêt. Les bibliothèques n’ont pas conscience du poids économique que cela représente, les libraires ne leur communiquant pas les montants reversés au titre du droit de prêt.

On remarque aussi que des libraires semblent régulièrement découvrir le principe du droit de prêt et son mécanisme, alors qu’il existe depuis 2003. Ceux qui le connaissent n’ont pas toujours connaissance de son historique et de sa logique. Enfin, personne n’aime recevoir une facture, et encore moins une facture un an après la vente à la collectivité. En cas de problème de trésorerie pour payer la SOFIA, des étalements sont possibles si vous les contactez tôt, dès réception de la facture

Répartition des droit perçus par la SOFIA

FOIRE AUX QUESTIONS

Est-ce que mon logiciel de gestion envoie mes déclarations à la SOFIA en EDI ?

Tous les logiciels de gestion de stock sur le marché actuellement ont un module d’envoi automatisé des déclarations SOFIA. Pensez à prendre contact avec l’assistance de votre logiciel afin de faire les paramétrages nécessaires avant le premier envoi.

Je ne peux pas envoyer ma déclaration à la Sofia

Vous envoyez vos déclarations à la Sofia sous format EDI, et pour une raison technique ou commerciale, vous ne pouvez plus envoyer les déclarations réclamées par EDI. Cela peut être le cas si vous avez changé de logiciel de gestion récemment.

  1. informer la Sofia
    La première chose à faire est d’informer la Sofia que vous êtes en cours de résolution d’un problème technique et que vous demandez un délai supplémentaire et/ou un étalement de paiement en conséquence. La Sofia accorde très facilement l’étalement des paiements. En cas de besoin et à la demande du libraire, Le SLF ou l’ALIRE peuvent intervenir en modérateurs avec entre le libraire et la Sofia.
  2. Informer votre logiciel de gestion et Dilicom du problème que vous rencontrez et leur demander d’effectuer le renvoi des données. La déclaration EDI au droit de prêt est une obligation légale. Si vous n’avez pas reçu de message d’erreur de la part du logiciel lors de votre 1ère déclaration, vous êtes en droit d’estimer qu’elle a bien été transmise et que la SSII doit renvoyer les informations à ses frais si elle n’a pas été reçue. Et ce, même si vous avez changé de prestataire. Le cas échéant l’ALIRE peut vous accompagner dans la discussion avec Dilicom et votre logiciel de gestion.
La librairie que je reprends est-elle à jour des déclarations Sofia ?

Vous reprenez une librairie : assurez-vous que la librairie que vous reprenez est bien à jour de ses déclarations Sofia

1-lors de la négociation de rachat :
s’assurer que le prédécesseur a bien payé ses factures à La Sofia et est à jour de déclaration. La Sofia délivre à la demande une attestation de conformité au droit de prêt.

2-Informer la Sofia de la reprise afin qu’elle puisse mettre à jour sa base de données

3-Selon la forme juridique de la reprise :
>rachat de fonds de commerce: le repreneur doit payer et déclarer selon l’activité de l’ancien propriétaire
>pas de rachat de fonds de commerce : le repreneur ne déclare et ne paie que les factures liées à son activité depuis le rachat

Vos contacts à La Sofia : tél : 01 44 07 46 32
Suzanne Moulanier : smoulanier@la-sofia.org
Sophie Roussel : sroussel@la-sofia.org

Peut-on ne pas déclarer tous les livres à la Sofia ?

Question de libraire : Je voudrais retirer certains titres du droit de prêt. Ai-je le droit de le faire ?

Réponse : Oui, s’il s’agit de titres qui ne sont pas achetés pour le prêt (documentation à destination du personnel, salons du livre, vente lors d’une signature d’auteur etc.. ), de livre audio, ou de livre d’occasion.

Le libraire peut tout à fait ne transmettre à La Sofia qu’une partie des titres vendus à la collectivité. Cependant il devra être en mesure de prouver auprès de la Sofia pourquoi ces titres ne sont pas déclarés. En effet, la Sofia comparera le montant déclaré par la collectivité avec le montant déclaré par le libraire et demandera au libraire de justifier l’écart (avec des échanges de mails ou documents justificatifs). Si l’écart ne peut pas être justifié, c’est le montant déclaré par la collectivité qui sera retenu.

On ne saurait trop recommander aux libraires de bien séparer les facturations d’ouvrages à prêter et d’ouvrages autres.

Est-ce que le FEL indique quels ouvrages sont à déclarer à la Sofia?

Question de libraire : Comment les ouvrages sont-ils « marqués » comme devant être déclarés à La Sofia? Est-ce exclusivement le FEL qui indique cela ? Ou la Sofia a-t-elle une autre base ?

Réponse :

Les ouvrages ne sont pas marqués. C’est le principe d’assujettissement de la collectivité au droit de prêt qui entraîne l’obligation de déclarer les ouvrages qui lui sont vendus :

« Les bibliothèques accueillant du public pour le prêt sont assujetties au droit de prêt. Le décret n° 2004-920 du 31 août 2004 en précise les catégories. Il s’agit des bibliothèques de lecture publique des collectivités territoriales, des bibliothèques des établissements publics à caractère scientifique, culturel ou professionnel relevant du ministère chargé de l’enseignement supérieur (universités et grands établissements…), des bibliothèques de comités d’entreprise, enfin, des bibliothèques répondant cumulativement aux critères de la mise à disposition d’un public d’un fonds documentaire, de l’affectation au prêt de la majorité des livres achetés et du caractère régulier et organisé d’une activité de prêt comportant des usagers inscrits à titre individuel ou collectif, tels que bibliothèques associatives, centres de documentation et d’information des lycées et collèges…  » (source : site Sofia)

Voici un rappel du type d’ouvrage à déclarer :
>doit-on déclarer un livre audio? NON
>doit-on déclarer un livre étranger? OUI
>doit-on déclarer un livre d’occasion? NON
>doit-on déclarer un livre dont l’ISBN n’existe pas sur Dilicom? OUI (la Sofia crée la référence et fait un travail d’enquête pour contacter l’éditeur – y arrive-t-elle toujours? Je ne sais… un point à améliorer sûrement!)

Si la législation sur le type d’ouvrage à déclarer changeait (livre audio, livre d’occasion), elle serait applicable sur l’année en cours et non pas sur les années précédentes. (il y a des risques à moyen terme d’évolution selon les décisions juridiques de cas en cours …)

SOURCES ET DOCUMENTS UTILES

L’accès des librairies aux marchés d’achats de livres des bibliothèques – État des lieux après une décennie de modifications du cadre législatif et réglementaire – https://www.vie-publique.fr/rapport/31335-lacces-des-librairies-aux-marches-dachats-de-livres-des-bibliotheques

Mon marché public d’achat de livres non scolaires inférieur à 90K€ par étapes (2018) : https://auvergnerhonealpes-livre-lecture.org/annexes/ressources/publications/mon-marche-public-d-achat-de-livres-non-scolaires-inferieur-a-90-000-ht-par-etapes-fiche-pratique-2018

Ventes aux bibliothèques, le reversement de 6% à la SOFIA pour le « droit de prêt » : pourquoi, comment ? présentation de la SOFIA pour les Rencontres Nationales de la librairie 2017 : https://soundcloud.com/syndicat-librairie/a8-ventes-aux-biblioth-ques-le?in=syndicat-librairie/sets/les-rencontres-nationales-de

Comment déclarer à la SOFIA : pratique (pdf à télécharger) : https://www.la-sofia.org/wp-content/uploads/2021/03/Guide_Fournisseurs_de_livres.pdf

Information pratique de l’Enssib pour les bibliothécaires sur la légitimité de la Sofia : https://www.enssib.fr/services-et-ressources/questions-reponses/quelle-est-la-legitimite-de-la-sofia-quels-sont-les

Fiche récapitulative de l’ENSSIB sur le droit de prêt : http://www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/documents/48463-le-droit-de-pret-en-bibliotheque.pdf

Parker Jim, Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle et Réseau international du droit de prêt public, De l’utilité du droit de prêt public, https://www.wipo.int/wipo_magazine/fr/2018/03/article_0007.html , mars 2018.

L’accès des librairies aux marchés d’achats de livres des bibliothèques – État des lieux après une décennie de modifications du cadre législatif et réglementaire – https://www.vie-publique.fr/rapport/31335-lacces-des-librairies-aux-marches-dachats-de-livres-des-bibliotheques

Loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre – https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000517179

Loi n° 2003-517 du 18 juin 2003 relative à la rémunération au titre du prêt en bibliothèque et renforçant la protection sociale des auteurs (1) – https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000411828/

Directive 2006/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d’auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle – https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX%3A32006L0115

Poulain Martine (éd.), Histoire des bibliothèques françaises. 4: Les bibliothèques au XXe siècle: 1914 – 1990 / sous la direction de Martine Poulain, Paris, Promodis/Cercle de la librairie, 1992, 793 p.

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